Les pesticides
PESTICIDES ET SANTE PUBLIQUE
La France
est le premier consommateur européen de pesticides (herbicides, fongicides et
insecticides) avec 95 000 tonnes répandues chaque année et le troisième marché
mondial après les Etats-Unis et le Japon. Comme tous les agents chimiques
persistants, on les détecte partout - dans l'air, l'eau, le sol, ainsi que dans
les aliments et dans notre propre corps. La consommation de pesticides en
France été multipliée par 8 entre 1959 et 1990, avec une augmentation des
risques pour la santé.
L'Institut français de l'Environnement constate "une
contamination généralisée des eaux de surface et souterraines par les
pesticides, et en particulier l'atrazine, la simazine, le lindane et le
diuron" et juge que les réseaux d'information produisent en France
"des données de qualité insuffisante, lorsqu'elles existent". Le
Préfet du Finistère a annoncé en avril que de nombreux captages et rivières
sont totalement pollués aux pesticides et nitrates, certaines ressources en eau
sont devenues inutilisables et plusieurs systèmes de pompage ne respectent pas
les normes sanitaires.
En Bourgogne, la
quasi-totalité des analyses, lorsqu'elles comportent une recherche de ces
produits, mettent en évidence la présence de pesticides, notamment la
terbuthylazine et la simazine.
La
détection des contaminations provoquées par ces "pollutions diffuses"
devient plus difficile.
Il y a en
France 900 substances actives homologuées. La recherche des pesticides dans
l'eau potable ne s'est généralisée qu'au début des années 1990, et pour
certains d'entre eux seulement. Les analyses des eaux de surface sont peu
fréquentes. Aucune mesure de l'air n'est réalisée alors qu'au cours de la
pulvérisation, 25 à 75 pour cent des pesticides sont disséminés dans
l'atmosphère. Cette situation s'explique notamment par le coût des analyses des
pesticides (entre 10 et 40 fois plus chères que celles des nitrates) et par le
manque de méthodes efficaces de détection.
Les
études épidémiologiques mettent en évidence des liens
entre l'exposition aux pesticides et l'apparition d'effets retardés sur la
santé. Si les effets à court terme d'une exposition aiguë sont étudiés dans le
cadre des procédures d'homologation des produits, les risques à long terme
d'une exposition à de faibles doses restent difficiles à démontrer et par
conséquent à évaluer. Il y a peu ou pas de paramètres de sécurité pour beaucoup
de ces substances. Typiquement, les seules données existantes concernent les
risques de cancer ou de défauts à la naissance, mais non les effets sur le
système hormonal ou sur plusieurs générations. De même, on ignore tout
d'éventuels effets combinés entre molécules.
Les
agriculteurs comptent parmi les catégories de personnes les plus touchées. En France, le réseau de toxico-vigilance mis en place par la
Mutualité Sociale Agricole indique qu'une personne sur six rapporte des effets
indésirables après avoir manipulé des produits phytosanitaires. "La
responsabilité des pesticides dans l'apparition de maladies graves est
suspectée, lorsqu'elle n'est pas formellement démontrée par les études
épidémiologiques. Ces produits seraient notamment à l'origine de troubles de
l'immunité, de pathologies neurologiques comme la maladie de Parkinson, ou
encore de cancers". Le Centre international de Recherche sur le Cancer
classe certain matières actives dans le groupe des substances chimiques
potentiellement cancérogènes pour l'homme.
Aux
Etats-Unis, premier consommateur de pesticides depuis les années cinquante où 1 milliard de kg. de pesticides sont utilisés chaque année,
quelques études épidémiologiques ont été faites. D'après le U.S. Bureau of
Labor Statistics, les agriculteurs souffrent le plus de maladies liées aux
empoisonnements chimiques, soit 5.5 p/1 000 agriculteurs et ouvriers agricoles.
En 1992, une étude du National Cancer Institute révèle que les agriculteurs ont
un risque accru d'être atteints par certains types de cancers: prostate,
estomac, lèvres, cerveau, lymphomes (Maladie de Hodgkins et lymphomes),
myéloses multiples, leucémies et mélanomes. En 1986, une autre étude révèle que
les agriculteurs exposés aux herbicides pendant plus de 20 jours par an ont un
risque six fois plus élevé d'être atteints d'un lymphome non-Hodgkins que les
non-exposés; un risque encore plus élevé a été découvert chez les agriculteurs
qui mélangent ou appliquent les herbicides eux-mêmes. Deux études trouvent une
augmentation de cancers chez les enfants de parents qui utilisent les
pesticides dans leur travail.
Le débat
aux Etats-Unis se concentrent sur la manière dont les pesticides peuvent
endommager le système reproductif, altérer le système nerveux ainsi que le
cerveau et affaiblir le système immunitaire. En Californie, IIEPA (1) a pu
identifier 15 pesticides qui sont des toxines reproductives (produits chimiques
qui endommagent le système reproductif par la sous-numération des
spermatozoïdes chez l'homme et causent des problèmes de fertilité chez la femme
ainsi que des défauts à la naissance). Quelques pesticides (DDT, képone,
kelthane, lindane, méthoxychlore, les purethroides synthétiquess et quelques
herbicides à base de triazine) affectent le système thyroïdien de façons
diverses, complexes et encore mal comprises. Des analyses indiquent qu'ils
peuvent imiter ou bloquer l'action hormonale normale, peut-être en adhérant au
récepteur thyroïdien. D'autres études suggèrent qu'ils peuvent accroître le
nombre de récepteurs présents pour recevoir des signaux hormonaux.
Quatorze pesticides (dans le groupe des organophosphates, des
organochlorés, des composés chlorophénoxydés, carbamates et composés
d'arganotine) se sont révélés capables d'affaiblir le système immunitaire
chez l'animal de laboratoire, à la suite d'expositions aiguës et
sous-chroniques. Les organophosphates et les carbamates, fonctionnent par
l'empoisonnement du système nerveux des insectes. Ils ont aussi un effet sur le
système nerveux humain en agissant sur l'élément chimique qui permet les
transmissions neurologiques. Ceci peut résulter en symptômes aigus
d'empoisonnement, tension, angoisse, agitation, insomnie, instabilité
émotionnelle, accélération du rythme cardiaque, difficultés de respiration,
nausées, convulsions et coma.
En Bourgogne,
l'agriculture biologique occupe environ 7000 hectares, répartis dans 134
exploitations. Si l'on peut aller plus vite pour réduire, voire même cesser
d'utiliser les pesticides, notre santé s'en ressentira.
Anna
Matheny Cartier
SOURCES:
1) Extraits de Repères, publication
périodique de l'Observatoire régional de l'Environnement de Bourgogne, mars
1999
2) "Our Stolen Future"
(Notre Avenir Voler) par Theo Colborn, Dianne Dumanoski et John Peterson Myers.
Dutton, New York, 1996
3) "After Silent Sprinci.,
The unsolved problems of Pesticide Use in the United States" Naturel
Resources Defense Cauncil, New York, 1993